Fiche lecture "LE COMPORTEMENT D’ATTACHEMENT: UNE APPROCHE PAR SYSTÈMES DE RÉGULATION (chapitre 13)" - John Bowlby « ATTACHEMENT ET PERTE » - éditions puf 5ème edition 2002- 1er edt. 1978
Pour décrire la théorie de régulation de la relation mère-enfant et enfant-mère, J. Bowlby distingue des sphères relationnelles que je représente à l’aide de ce schéma ci-dessus. Deux modes principaux vont agir dans la relation réciproque : d’une part le comportement d’attachement mère-enfant et enfant-mère qui sont des stimuli intrinsèques, innés pourrais-je dire, et d’autre part des stimuli extrinsèques qui sont différents de l’enfant et de la mère dans leur relation de l’un à l’autre en dehors de la sphère intime mère-enfant et enfant-mère. Chaque sphère est étudiée et décrite indépendamment dans un premier temps, puis l’étude se poursuit sur sa mise en relation avec l’autre protagoniste. L’âge de l’enfant qui est donné par J. Bowlby à chacun des stades reste avec une marge de probabilité de 6 mois environ ; Il axe sont étude principalement de la naissance à 3 ans. Alors que les chapitres précédents sont discutés selon des comparaisons importantes avec le monde animal, celui-ci reste axé majoritairement sur les relations de l’enfant avec la figure maternelle et vice et versa. La lecture permet d’envisager les processus relationnels et leurs contenus vers les différents stades du développement psychosexuel: la petite enfance, l’enfance, l’adolescence et l’âge adulte tout en considérant la maturation psychique propre à chacun de ces stades. Je fais l’hypothèse que ce qui décrit les relations mère-enfant et enfant-mère durant la petite enfance et l’enfance soient définis par une relation objectale et que les tentatives d’apprentissage qui se répètent au cours du développement font partie du processus de séparation de l’objet (dépendance au bénéfice secondaire) et sa sublimation tout en conservant l’attachement, affectif tout d’abord puis filiale ensuite. Je fais également l’hypothèse que le processus de dépendance de la naissance et d’attachement ensuite va participer activement à l’élaboration narcissique de l’individu.
John BOWLBY signale que « le comportement d’attachement (qui) se manifeste chez un jeune enfant varie non seulement d’un jour à l’autre mais d’une heure à l’autre et d’une minute à l’autre » et d’autre part que « de grands changements se produisent au cours de la petite enfance et de l’enfance dans la façon dont les différents systèmes médiatisant le comportement d’attachement s’organisent.»(P318)
Dans «les rôles de l’enfant et de la mère dans l’interaction mère-enfant» il est observé que la proximité entre l’enfant et la mère variera selon des schèmes appartenant à l’activité de chacun. Néanmoins la proximité aura toujours une distance maximum qui sera anticipée ou manifesté par l’enfant ou la mère et qui dans le cas contraire agira « de telle sorte que la distance soit réduite »(P319). Je décris cette distance parce que j’intitule dans le schéma ci-dessus le cadre des limites que John Bowlby appelle « le cadre stable » et est déterminé par quatre composantes (représentées dans le schéma ci-dessus) « Le comportement d’attachement de l’enfant » , « le comportement exploratoire de jeu », « le comportement de soins de la mère » et « le comportement de la mère qui est antithétique au soin parental »(P319). On remarque les caractères intrinsèques et extrinsèques qui caractérisent chaque comportement comme homogène ou hétérogène.
«Le comportement exploratoire de jeu» de l’enfant est identifié par trois éléments distincts qui sont premièrement une mouvance de la tête et du corps, en second la mise en éveille des sens, puis la saisie de l’objet. Tout en notant que ce comportement, nous dit J. Bowlby, est composé « presque des mêmes propriétés qui suscitent l’exploration d’une part et d’autre part, l’alarme et le retrait. » (P322). Ces premières situations sont les premières expériences sociales de l’enfant dans l’approche de l’objet, de l’inconnu dans une zone proximale.
«Les soins maternels » sont identifiés par une préoccupation constante de la mère qui est de réduire la distance entre elle-même et l’enfant et cela jusqu’à l’âge de trois ans ou moins afin de favoriser « le maintien de l’enfant en contact physique étroit avec elle»(P324). Deux préoccupations se distinguent d’une part le lieu où se trouve l’enfant et d’autre part le comportement de l’enfant. Il est à noter que les idées de sécurité, d’alarme et d’apaisement sont en jeu.
Dans « Le comportement maternel antithétique des soins à l’enfant » sont compris ce qui risquent en quelque sorte de rompre la relation homogène entre l’enfant et la mère : « les tâches ménagères […] les exigences aux autres membres de la famille..»(P326). Également,il existe, nous dit l’auteur, une possibilité de conflit interne chez la figure maternelle quant aux enjeux de soins et de proximité avec l’enfant qui peuvent interagir selon l’intensité émotionnelle que cela peut engendrer chez la mère. Certaines indisponibilités psychiques peuvent se déclarer et provoquer des attitudes de retrait vis-à-vis de l’enfant. Les interactions du couple mère et enfant peuvent provoquer soit des sensations de plaisirs dans le cas où tout se passe sans conflit interne ou dans le cas contraire des sensations d’anxiété chez les deux protagonistes. En conséquence, « chaque fois qu’au cours du développement de quelque individu on note des divergences nettes de la norme, comme cela arrive parfois, tout le monde est disposé à juger que la condition est pathologique.» (P327)
Il est intéressant de noter que lors de la période de la petite enfance « le maintien de la proximité avec la mère est réalisé principalement par le comportement même de la mère » (P327) et qu’ensuite, durant la période de l’enfance, va s’opérer un « transfert de la responsabilité » de ce maintien autant par la mère que par l’enfant.
Il faut entendre d’une part le terme « médiatisant » comme le moyen de transport par lequel le comportement d’attachement va être véhiculé, d’autre part la question comment sont organisés les moyens de transport qui véhiculent le comportement d’attachement ?
Deux comportements distincts, d’une part « le comportement de signal dont l’effet est d’amener la mère à l’enfant », et d’autre part « le comportement d’approche dont l’effet est d’amener l’enfant à la mère » (P330). Parmi les moyens les plus évidents véhiculés par ces comportements, nous dit l’auteur, sont identifiés « les pleurs et l’appel, le babil et le sourire, l’agrippement, la succion non nutritionnelle et la locomotion utilisée dans l’approche, le comportement de suivre et celui de chercher. » (P329)
- «Le comportement signal», les pleurs, le sourire et les gestes ont pour objectif de développer la proximité avec la mère dans le cas d’une faim ou d’une douleur, sourire et babil expriment le contentement. De ce fait le médium signal va provoquer soit un avertissement de plaisir soit celui d’un déplaisir et ils vont également, par interaction produire un effet rétroactif d’alerte visant à la sécurité ou de plaisir partagé.
- «Le comportement d’approche», dont l’auteur nous parle en page 333, regroupe trois distinctions : le comportement de suivre qui met en exergue les capacités locomotionnelles; l’agrippement qui est progressif de quelques semaines à plusieurs mois ; la succion non-nutritionnelle qui permet de maintenir le contact avec la mère, il peut être également un substitut qui comme dans le cas du doudou ne remplace pas la mère mais rassure l’enfant.
Je propose que la sphère Mère-Enfant et ses interactions causent des rétroactions comme une part du contenu de l’espace transférentiel. L’idée du soin peut être élargie d’une part aux soins du corps et également aux soins psychiques de l’enfant.
«L’organisation des systèmes de comportement médiatisant l’attachement »(P337) montre qu’il existe deux systèmes, l’un avant l’âge d’un an et n’ayant pas de but précis par rapport à un objectif et l’autre qui est signifié comme rectifié quant au but et qui apparaît après cet âge. Il est intéressant dans ce cas de comprendre qu’un système non-rectifié peut apparaître comme un système d’apprentissage au cours duquel l’enfant, par des cris, des pleurs ou des sourires, voit intervenir des réactions de la figure maternelle. C’est ensuite, lorsque le système est rectifié quant au but que la demande se fait plus précise. Il peut être envisagé alors les prémices du stade de développement objectal caractérisé par des demandes aux formes plus précises et caractéristiques qui seront perçues par la figure maternelle.
«Le comportement lorsque la mère est présente et stationnaire »(P340) pour un enfant entre 1an et 2 ans, est remarqué par la petite distance qu’il prend avec elle et le contact du regard par lequel l’attachement se signifie. Par contre pour un enfant jusque l’âge de 3ans, l’auteur faisant référence aux études d’Anderson, n’a pas de comportement rectifié quant au but dans sa conduite à suivre et acceptera, voir reclamera, de se faire transporter par la figure maternelle en mouvement pour rester dans une proximité d’attachement. C’est après l’âge de 3 ans que l’enfant possède pleinement ses capacités dans sa conduite à suivre pour maintenir la proximité (d’attachement) avec la figure maternelle.
« Lorsque la mère part »(P345) l’enfant, à partir de l’âge d’un an et aussi avant, émet une protestation à l’aide d’un comportement signal qui comme il a été dit précédemment a pour but de ramener la mère à l’enfant. Il est intéressant de remarquer que la figure maternelle va souvent user de stratégies pour éviter les réactions de l’enfant en s’éclipsant hors de son attention. Concernant « le comportement lorsque la mère revient », John Bowlby nous dit que « la façon dont un enfant se comporte au retour de sa mère dépend de la durée pendant laquelle elle a été absente et de son état émotionnel quand elle réapparaît » (P345). Ainsi l’intensité de sa réaction au retour de la figure maternelle variera de l’étreinte par l’agrippement au sentiment de détresse. C’est à partir de trois ans que l’enfant maintien la proximité avec sa maman puisqu’il possède les capacités d’un système de comportement rectifié quant au but.
L’activation et la terminaison dépendent de trois rubriques et de leurs variations : « l’état de l’enfant », « où se trouve la mère par rapport à l’enfant et son comportement », « d’autres conditions provenant de l’environnement ». Il est remarqué que l’état de santé de l’enfant, l’encouragement ou le découragement de la mère vis-à-vis de l’enfant et sa demande de proximité, et l’apparition d’événements insécurisants, vont mettre en éveil les changements d’intensité de la demande de proximité de l’enfant vers sa maman. Lorsque l’enfant perçoit que l’attention de la figure maternelle est présente alors il peut poursuivre son apprentissage vers un attachement plus solide en élargissant sa zone proximale parce que « le comportement d’attachement remplit une fonction de protection ». L’auteur nous dit « Chaque fois qu’une mère ne remplit pas jouer son rôle pour maintenir la proximité, un enfant est en éveil et, par son propre comportement, il s’assure que la proximité est maintenue. Quand, d’autre part, la mère se montre prête à maintenir la proximité, son enfant peut relâcher ses efforts.»(P350)
L’étude de l’auteur et ses nombreuses références à d’autres études ne sont pas exhaustives et ont été remarqués il y a maintenant 40 ans. Il me parait intéressant d’identifier que les systèmes de comportement décris ici vont se repositionner lors du stade phallique et de l’adolescence en élargissant ce dernier à l’environnement sociétal.
Alain Giraud